Corliande

Auto édition

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29 juillet 2017

Nouveau texte à venir

Voici le début d'un nouveau texte à venir. Il s'agit du second extrait du Journal de bord d'Anissan Rubyn, lequel figurera, bien sûr, dans Le livre de Baltos. Bonne lecture !


Journal de bord d’Anissan Rubyn

(Second extrait)





    Le 2 mars 1579

    Aujourd’hui je reprends la mer. Quels mots trouverais-je pour dire l’émotion qui m’étreint à l’écriture de cette simple phrase ? Comment exprimer cette joie de me retrouver enfin dans mon élément après plus de six mois à terre ? J’ai presque honte à le confesser. Car au fond je ne devrais guère m’en réjouir. La lourde tâche que je m’étais imposée il y a plusieurs années n’a pas changé, à ceci près que les obstacles sur ma route n’ont cessé de croître. L’ennemi est de plus en plus fort, tandis que mes chers bérylliens sont déjà presque en voie de disparition, tant les pertes dans leurs rangs ont été grandes. Je ne m’en voudrai jamais assez de la catastrophe provoquée par ma maladresse, mais gémir sur moi-même ne servira pas ma cause, je le sais.
   
    Nous avons quitté le port de Rutile à neuf heures vingt trois et voguons tranquillement par 14,8% latitude nord et 159,2% longitude est. Le temps s’annonçant plutôt calme, j’ai laissé la barre à mon second Vollya en parfaite confiance pour commencer la rédaction de mon tout nouveau journal à bord du Cobalt II.
    Presque deux ans se sont écoulés depuis l'abordage dont je fus victime au cours duquel sombra mon navire, emportant avec lui toutes mes notes. D’autres pertes autrement plus graves, bien sûr, furent à déplorer. Durant le temps que je dus rester sur l’île rouge, j’ai écrit plusieurs textes, dont l’un racontait par le menu cette ultime bataille qui m’opposa au terrible Pirrorg. Elle eut lieu après de longs mois de courses, de fuites et de poursuites, émaillées de combats irrésolus, sans vainqueur, comme s’il fallait toujours remettre à plus tard l’issue définitive de cet interminable duel. Mon histoire avec ce célèbre pirate, qui écumait l’archipel d’Opale sous pavillon éturbe, est d’ailleurs connue désormais. Je ne reviendrai donc pas en détail sur cet épisode épique et désastreux, qui provoqua le naufrage de mon premier Cobalt, la mort de plusieurs de mes hommes et la trahison forcée de ceux qui restaient. Qu’il me suffise de noter ici qu’après m’avoir fait prisonnier, mes assaillants firent couler mon bateau sous mes yeux, sachant bien ce que cette vision avait de douloureux pour moi ; et qu’une fois de plus, c’est à Lionna que je dus de rester en vie. Cette mystérieuse chaîne invisible qui nous relie l’avait avertie de ma mésaventure et elle n’hésita pas à lancer toute sa flotte à la poursuite du vaisseau ennemi pour me délivrer. Je séjournai quelque temps dans son domaine, puis elle me ramena sur l’île rouge. Là, je fus fêté d’une façon qui me surprit infiniment. Certes, j’étais en vie, tandis que pour la deuxième fois dans mon existence, on m’avait cru perdu. Mais surtout, Pirrorg le sanguinaire, que l’on disait invincible, avait été défait et remis aux autorités, ce qui constituait une sorte d’exploit. Il fut jugé par la suite pour tant de crimes qu’il finira sa vie derrière les barreaux, car je me suis opposé à son exécution. Déjà très respecté, je devins donc un héros malgré toutes mes protestations. J’avais beau claironner à qui voulait l’entendre que Lionna la grande était autant que moi sortie triomphante de ce combat titanesque, je ne pus échapper au destin qui semblait devoir être le mien. On me sollicita pour devenir gouverneur de l’île. Je répondis à cette proposition que, bien que fort honoré, je ne pouvais l’accepter tant que ma mission n’avait été remplie. Je désignai néanmoins parmi mes amis un homme de valeur, du nom de Tiélenn, à qui je confiai le soin de me représenter provisoirement, lorsque je serai en mer. Car je devais à tout prix me trouver un autre navire ainsi qu’un nouvel équipage. Les bérylliens avaient encore besoin de moi, bien plus que mes nouveaux concitoyens.

    N’ayant pu me procurer un bâtiment à ma convenance, je dus en faire construire un, ce qui prit plus d’un an. Mais recruter des hommes fut encore plus ardu. Beaucoup, pensant que je m’acharnais à défendre une cause perdue, hésitaient désormais à risquer leur vie pour me suivre. Pendant que Vollya, compagnon de longue date et futur second, se mettait en quête des quelques marins plus téméraires qui manquaient encore, tout en surveillant l’achèvement du Cobalt II, je filai vers Béryl, à bord du vaisseau de l’île d’Améthyste qui m’avait reconduit chez moi, avec la bénédiction de ma bien aimée. Je défendis l’île contre deux nouvelles attaques. Les flibustiers à la solde des éturbes ne désarmaient pas. C’est alors que j’eus une conversation avec les bérylliens. Ils s'étaient tous réunis un soir, face à moi, en un triste conciliabule. Les voir ainsi affaiblis, si peu nombreux et se sentant hélas toujours aussi menacés, me rendit plus flagrante et plus amère, s'il était possible, mon incapacité à les protéger. Mais je pouvais peut-être agir encore pour leur sauvegarde. Évoquant un certain événement extraordinaire, prévu par eux depuis longtemps, et qui devait se produire à une date proche, ils me firent une demande assez surprenante, laquelle fut à l’origine du voyage que je viens d’entreprendre. Ce voyage, plus encore que tous ceux qu’il me fut donné d’accomplir jusqu’ici, me mène tout droit vers l’inconnu. Je ne sais quelle en sera l’issue, car mes amis aux larmes d’aigue-marine sont restés fort mystérieux quant à leur véritable but. Ils disent qu’en me révélant leurs intentions, ils craignaient d’essuyer de ma part un refus. Je les assurai pourtant de ma collaboration et de ma parfaite bonne foi. Qu’aurais-je pu leur refuser, moi qui me sentais coupable à jamais devant eux ? Me voici donc en chemin vers l’île de Béryl, d’où je repartirai bientôt, si tout se passe comme prévu, vers une tout autre destination.
 

à suivre

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