Dans cet enfer
ultra-libéral qui est notre lot, avec sa course aux profits pour une poignée
particulièrement vorace, et sa course aux restrictions et sa politique du
moindre coût pour tous les autres, l’art n’est évidemment pas à la fête. Mis à
part un petit nombre, là encore, qui trouve son salut dans la popularité ou
l’entregent, relativement peu d’artistes parviennent à vivre correctement de
leur travail. Par artiste, j’entends
quelqu’un qui ne vise pas
l’enrichissement à outrance, mais simplement la possibilité d’exercer son art librement, sans
trop se soucier du lendemain, l’idéal étant de ne vivre, même très simplement,
que de cela.
Si l’on veut
échapper à ces deux alternatives déprimantes que sont l’économie de marché ou les diktats institutionnels, ce qui dans les deux cas signifie que le
plus petit nombre décide pour le plus grand de ce qui mérite d’être financé, actuellement, il
y a ce que l’on appelle le crowdfunding ou, en français, la production
communautaire. Des sites tels que Ulule ou Kisskissbankbank, ou encore My major
company sont déjà très connus. Il s’agit de requérir la participation des
internautes pour la réalisation d’un projet précis, artistique ou pas, film,
disque, association humanitaire, agriculture bio, atelier culinaire, et j’en passe.
Ce type de production participative, pour employer un terme à la mode, est intéressant, quoiqu'à double tranchant. Car s’il permet de contourner le problème de fond, bien sûr, il ne le résout pas, un peu comme les dons caritatifs qui, d’une certaine manière, font perdurer un système basé sur l’injustice et l’inégalité. Si notre société était aussi solidaire qu’elle le prétend, aurions-nous besoin d’être sollicités ? Mais il pose aussi bien d’autres questions. Le fait de rencontrer un public, ou pas, ne prouve en rien la valeur réelle d’un travail artistique. Je ne parle pas de l'amateurisme qui, pris dans le vrai sens du terme, peut toujours se justifier par sa fraîcheur et sa sincérité. Naviguer sur internet permet de constater que pour être indépendants, beaucoup n’offrent pas quelque chose de foncièrement différent de ce qui inonde les médias classiques. Sans trop noircir le tableau, on y retrouve en abondance les mêmes clichés, la même approche, l’utilisation des mêmes thèmes, comme s’il s’agissait juste de s’engouffrer dans une brèche déjà ouverte par d’autres. En fait, ce support à priori plus libre exige des contraintes identiques de séduction et de matraquage, avec cette sempiternelle recherche de buzz. Nombre d’artistes supposés avoir été découverts sur internet, supposés, car là comme ailleurs la publicité est souvent mensongère, se révèlent décevants, sans réelle surprise. On notera aussi l’absence regrettable de travail éditorial ou de direction artistique, lesquels ont joué un rôle si considérable dans le cas d’œuvres majeures que l’on voit mal comment l’on pourrait s’en passer dans une large mesure. En outre, l'abondance provoque la confusion, de sorte qu'il est toujours très difficile de dénicher les perles rares dans l'avalanche de petits cailloux, lesquels ont aussi, loin de moi l'idée de le nier, parfaitement le droit d'exister. Car ce qui fait aussi la force d'internet, à condition de l'utiliser à bon escient, c'est précisément la possibilité pour tout un chacun d'y revendiquer sa place.
Ce type de production participative, pour employer un terme à la mode, est intéressant, quoiqu'à double tranchant. Car s’il permet de contourner le problème de fond, bien sûr, il ne le résout pas, un peu comme les dons caritatifs qui, d’une certaine manière, font perdurer un système basé sur l’injustice et l’inégalité. Si notre société était aussi solidaire qu’elle le prétend, aurions-nous besoin d’être sollicités ? Mais il pose aussi bien d’autres questions. Le fait de rencontrer un public, ou pas, ne prouve en rien la valeur réelle d’un travail artistique. Je ne parle pas de l'amateurisme qui, pris dans le vrai sens du terme, peut toujours se justifier par sa fraîcheur et sa sincérité. Naviguer sur internet permet de constater que pour être indépendants, beaucoup n’offrent pas quelque chose de foncièrement différent de ce qui inonde les médias classiques. Sans trop noircir le tableau, on y retrouve en abondance les mêmes clichés, la même approche, l’utilisation des mêmes thèmes, comme s’il s’agissait juste de s’engouffrer dans une brèche déjà ouverte par d’autres. En fait, ce support à priori plus libre exige des contraintes identiques de séduction et de matraquage, avec cette sempiternelle recherche de buzz. Nombre d’artistes supposés avoir été découverts sur internet, supposés, car là comme ailleurs la publicité est souvent mensongère, se révèlent décevants, sans réelle surprise. On notera aussi l’absence regrettable de travail éditorial ou de direction artistique, lesquels ont joué un rôle si considérable dans le cas d’œuvres majeures que l’on voit mal comment l’on pourrait s’en passer dans une large mesure. En outre, l'abondance provoque la confusion, de sorte qu'il est toujours très difficile de dénicher les perles rares dans l'avalanche de petits cailloux, lesquels ont aussi, loin de moi l'idée de le nier, parfaitement le droit d'exister. Car ce qui fait aussi la force d'internet, à condition de l'utiliser à bon escient, c'est précisément la possibilité pour tout un chacun d'y revendiquer sa place.
Si donc elle permet à certains de se faire connaître, voire de se financer, alors qu’ils
n’auraient certainement pas pu le faire autrement, il serait dommage de bouder cette généralisation d’une pratique, la souscription, déjà utilisée à
maintes reprises dans le passé. Et puis ce qui est vrai pour un artiste isolé
peut l’être aussi pour une petite maison d’édition, littéraire, musicale ou
autre, qui proposerait précisément cette qualité éditoriale trop souvent
manquante.
Dans le prolongement
de cette idée, le musicien et vidéaste américain Jack Conte a élaboré le site
Patreon. Il s’agit encore pour les internautes de soutenir un (ou des)
artiste(s), mais pour l’ensemble de son (leur) travail, et non pour un projet
en particulier. Supposons que vous appréciiez un dessinateur, par exemple, vous
vous proposez de lui verser une somme, à partir d’un dollar (nous sommes aux
USA), résiliable à tout moment, pour chaque œuvre produite. C'est donc une sorte d'abonnement. En contrepartie,
vous bénéficiez de différents bonus définis par l’artiste selon le montant du
don et mentionnés sur sa fiche de présentation. C’est bien entendu surtout par
le nombre de « patrons », au sens anglo-saxon du terme, que le
financement deviendra conséquent. À charge
pour le patronné, donc, de communiquer suffisamment et d’être largement convainquant. Il est évident qu'il ne peut s'agir ici que de présenter des petits travaux. Un projet aussi ambitieux et coûteux qu'un long métrage, par exemple, nécessiterait des moyens autrement plus conséquents.
Bien sûr, le concept surprend au premier abord. Mais après tout, s’il doit y
avoir une forme de mécénat pour que survive l'art, pourquoi pas celle-ci ? L'art ou autre chose, d'ailleurs, car si j'en ai bien compris le principe, l'entreprise de Jack Conte n'entend pas se limiter au domaine artistique. Je ne crois pas qu’il y
ait d’équivalent français de ce site, ni même européen. En dehors du fait
que l’on ne peut sans doute pas payer en euro (mais je n’ai pas vérifié)
l’intérêt pour un écrivain français (exemple au hasard !) de publier ses
textes sur un site américain est limité, même si je crois en avoir trouvé un
parmi la foule d’artistes déjà inscrits sur Patreon.
Qui est JackConte ? Un multi instrumentiste révélé… par internet. Dans son cas, c’est
absolument vrai. Avec sa compagne et complice Nataly Dawn, au sein du duo
Pomplamoose, il s’est fait connaître d’un large public en enregistrant et
filmant nombre de reprises "faites à la maison", des plus anecdotiques aux plus bluffantes, ainsi que des compositions personnelles. Un principe était défini
pour toutes ses vidéos musicales : "Ce que vous voyez est ce que vous
entendez (pas de playback) ; ce que vous entendez, vous le voyez à un
moment donné (pas de son caché)". Cette honnêteté, cette proximité avec son audience, la qualité de son travail et la passion qu'il y met,
que l’on aime ou pas, lui ont valu une certaine popularité qui l’a aidé à se
développer tout en restant indépendant. Pour vous faire une idée, écoutez et regardez les
reprises de « Beat it » de Michael Jackson, ou de « My favorite things » de Richard Rogers, dans des genres différents, ou mieux encore le titre original « Hail Mary ». Tous deux ont également des activités séparées. J’avoue pour ma
part avoir un petit faible pour Nataly Dawn et sa fausse nonchalance lorsqu’elle interprète
« Superman’s song » des Crash Test Dummies ou cette belle version de
« Diamonds and Gold » de Tom Waits avec « My terrible
friend », son autre complice Lauren O’connell. Quant à son album solo plutôt réussi, produit sous le label Nonesuch mais financé là encore par une
souscription internet, en voici la chanson titre, qui est aussi à mon avis la meilleure :
« How I knew her »
De, et par Nataly Dawn
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