En cette journée mondiale des animaux,
voir un film tel que « Green » de Patrick Rouxel, est bien plus
explicite que tout ce que j’en pourrais écrire. Cette suite d’images au montage remarquable, sans aucun texte, en dit long sur le sort que l’humain dans son
ensemble réserve à ceux dont il se croit propriétaire, comme il se croit
propriétaire de tout ce qui l’entoure. En fait il dit tout : La
destruction de la nature et la condamnation à mort des espèces qui s’y meuvent,
l’avidité d’une poignée d’entre nous, et la complicité, active ou passive,
réfléchie ou inconsciente, de l’écrasante majorité, le tout légèrement tempéré
par le dévouement réel mais souvent désespéré de certains. Tout est dans le
regard de Green, femelle orang-outang victime de la déforestation et qu’une
équipe de sauveteurs tente vainement de maintenir en vie. Dans ses yeux voilés
passent les images du bonheur perdu, de la jungle de Bornéo avant le saccage,
puis celles de ce saccage, du commerce qui est fait du bois exotique et de l’huile
de palme, de notre consumérisme égoïsme ou juste machinal et du désert qui s’ensuit.
Bien sûr, nul ne peut dire à quoi pense Green, allongée comme un enfant martyr
sur son lit d’hôpital. L’association de toutes ces images entrecoupées et de
celles qui nous la montrent agonisante provoque une émotion que d’aucuns qualifieraient
sans doute d’anthropomorphique. Mais comment ne pas être ému aux larmes par ce regard qui
semble tout voir et tout comprendre ? Comment ne pas se sentir accusé,
responsable sinon coupable individuellement de l’aberrante détermination de
notre espèce à dévaster dans l’irrespect et l’indifférence. Comment ne pas croire
qu’elle sait ? De même, nous ne connaitrons pas la cause clinique de sa
mort mais qu’importe, elle semble inévitable. Impossible d’imaginer qu’elle n’ait
pas simplement refusé de lutter, tant l’inutilité d’une vie solitaire et privée
de tout la rend triste à mourir, indifférente à ce qu’elle peut voir autour d’elle.
Le film s’ouvre sur son transport chaotique dans un sac de voyage après sa
découverte, auquel succède la beauté d’un décor naturel ou volent de grands
oiseaux. Les dernières images, après celles du sac poubelle emportant Green vers
l’oubli, nous montrent un grand oiseau aux ailes étrangement statiques sur fond
de chantiers et de constructions bordant un terrain vague… un cerf volant tenu
par un jeune homme, comme une tentative dérisoire et tellement humaine de
redonner vie, une vie artificielle ou au mieux artistique, à ce qu’il assassine.
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